Privation de liberté et traitement de la délinquance
Par MARC ANCEL, Président de Chambre à la Cour de Cassation de France
C'est une grande satisfaction pour un pénaliste que de participer à un hommage rendu au professeur Ivar Strahl. M. Strahl, dont on connait l'éminente participation aux travaux des Associations de Criminalistes nordiques, a joué depuis longtemps déjà, et particulièrement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, un rôle très remarqué dans les réunions internationales consacrées aux problèmes de droit pénal et de criminologie. On se souvient notamment qu'il a été l'admirable organisateur du Congrès international de défense sociale qui s'est tenu à Stockholm en 1958, après avoir été l'inspirateur et le principal rédacteur du Programme minimum de la Société internationale de défense sociale. Nul n'a suivi avec autant d'attention éclairée l'évolution de la politique criminelle moderne dans la recherche d'un traitement scientifique de resocialisation des délinquants. En même temps, il a présenté de remarquables exposés sur les aspects nouveaux du droit pénal suédois, et les juristes de langue française ou de langue anglaise lui sont reconnaissants de la manière lumineuse dont il a présenté le Code pénal suédois dans les traductions qui en ont été faites dans ces deux langues. Dans toutes ces manifestations de son activité, M. Strahl a montré combien il était soucieux de la modernisation des institutions pénales. C'est pourquoi il nous a semblé que, pour lui rendre hommage, dans la ligne même de ses préoccupations scientifiques, il pouvait être utile de présenter quelques observations sur l'état actuel et les destinées possibles de la peine ou de la mesure privative de liberté, au regard de la notion désormais généralement admise de traitement des délinquants.
Il convient tout d'abord d'essayer de définir ou de préciser le problème que nous entendons traiter ici. Depuis près de cinquante ans, les criminalistes et les pénologues répètent que la privation del iberté est devenue l'arme principale, si non même presque exclusive, de la réaction sociale contre le crime. Toutes les peines autrefois existantes se sont plus ou moins absorbées dans cette peine privative de liberté qui, avec l'amende, est devenue la sanction habituelle des